Fourrages : un cru 2024 abondant mais de qualité variable
La pluie a favorisé la pousse de l’herbe mais elle a perturbé les récoltes. Résultat, si les hangars sont pleins, la qualité est variable et il vaut mieux s’appuyer sur les analyses pour calculer ses rations au plus juste.
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L’année 2024 a été marquée par des précipitations exceptionnelles. « Comme en 2007, rappelle Pascale Pelletier, consultante-formatrice en prairies et fourrages. La qualité des récoltes est toutefois bien différente. Celle des foins était déplorable. Certains avaient même fini dans les litières alors qu’en 2024, les récoltes tardives affichent, dans certains cas, des valeurs alimentaires correctes. »
La bonne nouvelle, c’est que les hangars sont pleins, mais un grand écart des teneurs en nutriments est observé. « Un enrubannage récolté tôt n’est pas forcément de bonne qualité, car la minéralisation n’a pas toujours été optimale pendant l’hiver, confirme Stéphane Martignac, de la chambre d’agriculture de la Corrèze. Les valeurs des méteils immatures dépendent de la proportion des légumineuses et du stade de développement. La matière azotée totale (MAT) est parfois moyenne à 12 % ou très bonne à 18 ou 19 %. » L’envoi des échantillons au laboratoire semble donc plus que jamais indispensable pour complémenter ses rations à bon escient.
0,10 à 0,15 UF en moins
Sans surprise donc, les premiers résultats des analyses de la ferme expérimentale Ferm’Inov à Jalogny, en Saône-et-Loire, sont décevants par rapport à d’habitude. « La valeur énergétique des enrubannages est inférieure de 0,10 à 0,15 UF/kg de MS (matière sèche), explique Adrien Demarbaix, responsable de l’exploitation. Il manque aussi environ deux points de MAT (matière azotée totale). »
Comme partout, les fenêtres de récolte furent très étroites dès le printemps. « Et la portance n’était pas toujours au rendez-vous, ajoute-t-il. Cela nous a souvent contraints à repousser la date de récolte. Il a fallu aussi se partager l’utilisation du matériel en Cuma pour que chacun puisse profiter de l’ensemble des périodes de beau temps. » La multiplication des dates de récoltes par rapport à d’habitude justifie d’autant plus le classement des balles.
« Certains identifient leurs balles d’enrubannage avec un numéro dès le stockage, observe Philippe Loquet, conseiller fourrager à la chambre d’agriculture de l’Eure-et-Loir (1). C’est une précieuse précaution car la mémoire nous fait vite défaut. On peut faire toutes les rations qu’on veut, si on ne part pas sur de bonnes bases, cela aboutit à des pertes de production de lait et à des croissances ralenties. »
Des fourrages plus humides
Attention aussi au taux d’humidité à la récolte. « 30 % des enrubannages que nous avons analysés révèlent des taux de MS inférieurs au seuil critique de 40 %, révèle Philippe Loquet. L’humidité, c’est un encombrement et elle est aussi favorable au développement des mycotoxines. Mieux vaut donc être vigilant. »
La ferme expérimentale des Bordes, dans l’Indre, a dû faire face à des conditions de pâturage et de récolte complexes. « Nos sols peu portants nous ont obligés à rentrer les animaux à deux reprises après la mise à l’herbe, relate Antoine Buteau, ingénieur régional à la ferme. Les transitions alimentaires n’ont pas favorisé les croissances des broutards qui sont plus faibles que d’habitude. » Les animaux ont dû pâturer l’herbe à un stade plus avancé, ce qui n’a pas favorisé la performance.
Le semis de 7,4 ha de teff grass, une graminée d’été, devrait fournir un stock de meilleure qualité que les foins qui ont baigné dans l’eau en bordure de rivière. « Semée le 10 juin, après la récolte du méteil, la parcelle a produit 17 t de MS (2,3 t/ha) quarante-trois jours après l’implantation, précise Antoine Buteau. Depuis, la surface a été pâturée deux fois. La repousse est rapide mais le passage des animaux avant l’épiaison est impératif car, après, la plante est beaucoup moins appétente. »
La déconvenue pour la ferme des Bordes, c’est la récolte des céréales sur les parcelles conduites en agriculture biologique. « Nos rendements se sont effondrés cette année, ajoute l’ingénieur. Heureusement, nous disposons d’un stock de report de l’année dernière. »
Stratégie pour l’hiver
À Ferm’Inov, la stratégie pour l’hiver est arrêtée. « Nous allons privilégier les meilleurs fourrages pour les rations d’engraissement », détaille Adrien Demarbaix. Le régime du lot de vaches dont la mise à la reproduction aura lieu dans la stabulation bénéficiera aussi de fourrages de la meilleure qualité possible. « Nous allons toutefois devoir complémenter plus que d’habitude », prévoit-il. Une attention particulière sera aussi apportée aux génisses afin qu’elles disposent d’une ration suffisante pour leur assurer une croissance correcte et ne pas pénaliser leur carrière.
Cet été, en tout cas, les râteliers sont souvent restés remisés dans la cour de la ferme. À l’exception de certaines zones du sud de la France qui n’ont pas eu d’orage pendant le mois d’août. C’est le cas de la ferme expérimentale ovine du Mourier, en Haute-Vienne, qui a dû affourrager les brebis à partir du début de septembre. Les dernières pluies devraient toutefois offrir une repousse dès les prochains jours.
(1) Intervention le 10 septembre 2024 à la journée technique ovine organisée par Cap filières Centre-Val de Loire.
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